LA SAUVIGNONNE 2014 

Les vidéos, les photos :

La vidéo de Corinne

film Corinne


Un montage très réussi de photos et de séquences filmées, illustré par des musiques particulièrement bien choisies
.

 

Les Photos d'Eric

diner IVV 2014

Eric, notre nouveau photo-reporter plein de talent
vous propose 48 superbes photos.


Les Photos et Vidéos de Bernard
diner IVV 2014

Bernard avec son "fish-eye" nous a tiré des portraits irrésistibles de drôlerie et nous offre bien d'autres belles photos et vidéos.


Les Photos de Renée

diner IVV 2014

Grâce à Renée, ce sont 148 belles photos, agrémentées de nombreux commentaires, qui viennent rejoindre l'album souvenir de la Sauvignonne.


Jean-LouisC'est cette année à Jean-Louis que revient le redoutable privilège de rédiger le compte rendu de la balade 2014 dite "La Sauvignonne".

Comme vous le constaterez, Jean-Louis renouvelle avec brio l'exercice en nous offrant cette année une pièce de théâtre ! Il fait appel à des témoins imaginaires de notre épopée que vous n'aurez pas trop de difficultés à démasquer.

Chapeau l'artiste !

Pour ne pas dénaturer cette œuvre littéraire, je n'ai pas jugé utile cette fois d'inclure des liens vers des photos.

Le compte rendu en PDF pour l'imprimer ou le télécharger sur votre liseuse pdf

Le dossier complet de la Sauvignonne pdf

Compte-Rendu de la Sauvignonne
Epopée cycliste en 5 actes


L’action se passe à Sancerre et dans les environs,
Du  28 mai au 1er juin 2014

Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé n’est pas fortuite.

 

PROLOGUE

- Où est Chopine ?
- Tsss ! Tu sais bien qu’il n’aime pas qu’on l’appelle comme cela.

La terrasse arborée était déserte encore sous un ciel à nul autre pareil tandis qu’Aurore Dupin, y goutait comme chaque matin la petite brise matinale adoucissant l’ardeur du soleil renaissant.

- Il est resté au château. Il prépare un concert privé pour quelques amis. Tu connais ses habitudes. Quant à moi… et bien, je rêve. Je rêve à mon pays natal. Je rêve à la vie champêtre, aux charmes qui ramènent épisodiquement l’homme civilisé à la vie primitive.
- Vraiment ?
- J’aimerais revoir les humbles paysages de mon beau Berry.
- Why not ?

John Drinkwater s’entendait bien avec la baronne Dudevant. Elle avait une simplicité sophistiquée assez rare chez les Français.

- Pourquoi pas ? C’est l’Ascension, le meilleur moment pour faire une descente sur terre, n’est-il pas ? Tiens, mais voilà François !
-Je vous salue très illustres et très défunctés companions !

François R. désigna du doigt un jeune balafré qui l’accompagnait.

- Or donc, je vous présente Frank, mon nouveau compainct. Il me narre plaisantes adventures qu’oncques n’ouit.
- Que fait-il ici ? Il a beau être maigre et exténué, il n’est pas mort encore que je sache !
- Salut tout le monde. C’est pas ma faute, c’est que je suis au purgatoire en ce moment. Pour l’équipe de France, la routourne, elle tournera sans moi. Les Bleus, il devront faire avec sans moi, si vous voyez ce que je veux dire.
- J’ai cru Frank un lansquenet tant était son regard fier et sa barbe noire. Mais plus amusant compagnon, point ne trouverez céans.
- Nous voilà une vaillante équipe, reprend Aurore. Alors, messieurs partons ensemble pour une petite ballade du côté de mon riant Berry, voulez-vous ? Allons, ne vous faites pas prier.
 Mais il fait soif déjà. Que vous semble d’un petit vin de Sancerre à une terrasse au bord de la Loire, pour commencer.
- C’est une bonne idée pour qu’on a du peps. Mais vous direz rien au docteur Mull, d’accord ?

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Acte 1.  Et Pouilly, c’est tout

Il est midi. La scène se passe à Saint-Satur, à la terrasse ensoleillée d’un restaurant en bord de Loire. L’hôtel qui accueille les IVV pour 4 nuits est juste de l’autre côté de la rue.

George S. Qui sont ces gens qui semblent si heureux. Je confesse qu’ils forment ensemble un tableau sincère et charmant.

François R. Ils sont contents se voyant. Ils sont bons buveurs et gais compagnons, par ma foi ! C’est chose plaisante de les voir ripailler.

J. Drinkwater. Je suppose, oui. C’est remuant que le hasard nous conduisit ici pour voir l’étonnant tableau de ces sportifs qui aiment le vin.  Ou bien,  peut-être ils sont plutôt des bons-vivants qui aiment le vélo. Qui sait ?

Frank R. Ils sont cool. Franchement, ils sont cool. Hé, François, t’as compris ce qu’ils font ici ?

François R. Oui da, ce sont pèlerins de la dive bouteille et du paysage cépagé qui tiennent assemblée annuelle pour maintes foies célébrer carnaval de leur manière.

J. Drinkwater. Carnaval ?

François R.  Observe, compère, comme de présent ils font tout à l’envers comme esclaves mimant maitres et maitresses es Saturnales. Si, vont célébrant Ascension par moultes descentes es caves locales, se donnant force et courage par truchement de bon vin au lieu que de pharmacopée come il est d’usage en ce temps, pédalant sans souci du classement et laissant derrière eux tracas quotidiens pour jouir libéralement de la terre, de l’air, de l’eau et du vin. C’est plaisir de fête et jouissance naturelle que me plaist moultement !

Après la joie des retrouvailles et le plaisir de partager à nouveau un déjeuner avant le départ officiel en évoquant les nouvelles les plus significatives (la côte cassée d’Alain, les arrivées tardives d’Yves et de Corinne, de Bernard et de Sylvie, les absences notables (Bernard de Monès, Jacques Tricoire, Philippe Raguenès, Jean Nevoux, Dominique Huet, les Cardini…) le retour de Roger, d'Eric et de JL…) les IVV découvrent l’hôtel de Loire (de Loire et non du Loir, on verra bientôt pourquoi). Les chambres portent des noms exotiques : Chambre coloniale, Safari, Régence, Provençale, Anglaise, Victorienne, George Simenon… (GS s’installa dans cette chambre sur rue et y aurait écrit deux de ses romans).
 Ils ne se doutent pas qu’ils sont devenus l’objet singulier de l’intérêt d’un curieux groupe de fantômes littéraires et sportif.

François R. Et maintenant, que font-ils ?

Frank R. Ils font une photo. C’est des cyclistes qui vont pas vite avec le vélo. C’est pas une équipe de pros qui sont très forte.

George S. Non, mais ils me plaisent. Leur bonheur simple et tranquille, loin de la pompe…

Frank R. A vélo ?

George S. … de la pompe maniérée et ambitieuse des hommes de ce temps qui se pressent impudemment sur le devant de la scène ! Oui, cette simplicité est bien touchante.

J. Drinkwater.  Tout cela semble très organisé, ils ne peuvent être blâmés pour n’être pas à l’heure. Que fait-on ? Il est mieux de remonter ou de les suivre ?

Les trois fantômes et leur stagiaire se regardent tandis que les premiers cyclistes attaquent le franchissement du pont sur la Loire, en direction de Saint-Laurent-l’Abbaye. Le temps est couvert, pas vraiment menaçant mais gris, d’un gris qui ne semble pourtant altérer aucune humeur. Après une vingtaine de kilomètres ils arrivent à l’huilerie Pradalier, suivis de leurs anges gardiens.
Les vélos sont alignés convenablement sous l’auvent ; la visite va pouvoir commencer.

George S. Mais… je connais cette fabrique !

J. Drinkwater.  Absolument. Tu sais, François, Aurore a connu la révolution industrielle! Elle a même fréquenté les socialistes !

François R. Point n’ignore la chose ! Le service d’information céleste est  un miracle quotidien. Adonc,  j’apprends encore et encore !

Frank R. Mais ils vont pas se shooter à la noisette, quand même !

Les IVV commencent la visite. Comme d’habitude les cale-pieds cliquètent sur le sol. Les vieilles briques cuites en ont vu d’autres.


George S. L’émotion me fait trembler. Il y avait dans mon temps plusieurs de ces fabriques hydrauliques dans le bassin de Loire. Vous sentez ce parfum de noisettes ?

Une poussée sur une manette et le système s’ébranle. Tout le monde comprend comment par un jeu aérien d’axes, de courroies et d’engrenages, les cerneaux de noix ou les noisettes étaient - et sont encore - grillés, concassés et pressés. Le magasin, sommaire mais sympathique, propose quantités de bouteilles et de bidons d’huiles dont nous emmènerons évidemment quelques échantillons.

 

Frank R. C’est tout bidon ici. Les mecs ont du bidon. Sur les vélos, il a des bidons. Et ici je vois qu’on en remet une couche. Marrant, non ?

Pas vraiment, Frank.
On s’apprête à repartir mais un énorme orage menace.

J. Drinkwater. Aurore, puisque tu as de l’influence là-haut – plus que moi en tout cas et plus que François - nous avons beaucoup à nous faire pardonner, lui d’être paillard et moi d’être Anglais - pourrais-tu les contacter et arranger un peu quelque chose ?

Quelques minutes plus tard, c’est reparti. Le gris du ciel vire doucement de l’anthracite à un gris-blanc-bleu très acceptable.

Encore une vingtaine de kilomètres - et une diablesse de côte peut-être un peu sous-estimée, les vélos arrivent sous le soleil au domaine Serge Dagueneau et filles. La première vraie dégustation peut commencer.

François R. Voyez comme ils s’installent autour de la table préparée pour eux. Ils sont vieulx roustiers accoustumés à pareilles libations, ce me semble.

La dégustation commence avec un rare chasselas, et puis des Pouilly et puis trois Côtes de la Charité, blanc, rosé et rouge.

 

François R. Voire mais… Je cognoit  cest pays ! Au temps où je parcourois le pays de France, ici était terroir merveilleusement cultivé par les moines bénédictins de la Charité-sur-Loire. Tant ils prioient et travailloient que toute la ville profitoit de leur savoir uval qui estoit grand. Buvez, mes amis, buvez en mémoire des festes mesmorables que seuls moines ripailleurs savoient ménager.

Frank R.  C’est beau les vignes ! C’est aussi beau dans les champs que dans les chais. Regardez-les, au niveau des sensations, ils ont l’air de ressentir pas mal, non ?

J. Drinkwater. Ils ne crachent pas beaucoup. Maintenant la route va être chaude avec le soleil. J’espère qu’ils pourront encore pédaler leurs vélos très bien.

En fait, peut-être grâce à Saint-Satur(e) – nom providentiel pour accompagner nos dégustations, il faut le dire, les IVV pédalèrent très bien et firent les 10 derniers kilomètres à la faveur du vin, du vent, du soleil et de la pente plutôt descendante.

Après une douche et après tout cet ensemble de gestes qu’il faut accomplir, chacun à sa manière, pour se donner un air convivial et vaillant, la tribu IVV se retrouve au restaurant « Ship » (‘Ship’, pas ‘cheap’, attention à la prononciation !). Une avant-garde apéritive y attend le reste du peloton.
Au menu, de mémoire, crottin de Chavignol, poisson - je crois, fromage et dessert.

J. Drinkwater. Wow ! Cet établissement est un parfait produit du croisement entre une salle de restaurant français et un pub anglais : décor néo-rural avec ossature de bois apparente, ambiance « lounge », carte des bières impressionnante, carte des whiskys délibérément ostentatoire. Vraiment, la terre est maintenant devenue presque aussi globale que notre Paradis multilingue.

François R.  Ces IVV boivent plus raisonnablement que des moines.

J. Drinkwater. Pour pédaler sec, faut boire souple, je suppose, non ?

Frank R. Vous avez vu, dans ce groupe, il y a un vrai professionnel.
C’est Alain. Il a roulé malgré sa côte cassée !
Nous, au Bayern, c’est pareil : ça casse mais ça passe.

La conversation est animée comme toujours. Chose inhabituelle, deux tables différentes ont obligé la tribu à se scinder. Le Sancerre (blanc et rouge) est de rigueur. Une saine fatigue coule des oreilles aux orteils mais il y a tant à dire. En fait, il y a toute une année à raconter en plus de la journée.

George S. Plus j’observe ces gens, plus je me dis qu’ils ne se contentent pas de manger ; ils communient.

La nuit se passera sans incident majeur, hormis les « horrificques » ronflements usuels dont même Rabelais fut incommodé.

 

 

Acte 2. Guédelon

Jeudi, jour de l’Ascension. L’étape du jour est annoncée comme la plus longue avec 100 km.
Le petit déjeuner est pris à l’hôtel. Les IVV arrivent les après les autres, l’air plus ou moins éveillé. Deux sujets préoccupent comme d’habitude  les esprits : la nuit (T ‘as bien dormi ?) et l’étape du jour (Bon alors, qu’est-ce qui est prévu aujourd’hui ?)
Aujourd’hui, il y aura deux moments majeurs : Guédelon et la dégustation du soir.

François R. Bonjour mes compaignons, avez-vous bien dormi ?

J. Drinkwater, à George S. Il se moque, bien sûr. François sait bien que l’éternité ne connaît ni jour ni nuit. Même Frank était exceptionnellement autorisé
.
George S. J’ai profité de la nuit pour étudier l’étape du jour : une étape bourguignonne en fait et non une étape berrichonne. Cela ferait peut-être plaisir à Colette qui est née en pays de Puisaye de se joindre à nous…

François R. Que voilà besle et bonne idée. Je vais la quérir céans. J’espère vous rejoindre à sexte ou a none tout au plus.

Les vélos se rassemblent devant l’hôtel avec la sérénité qu’autorise l’habitude. Les bidons sont pleins, les coupe-vent sont dans les sacs, les accompagnatrices/teurs ont retrouvé leur volant. Avec eux, un accompagnateur inhabituel. Alain qui, sans doute a, hier, dégusté plus qu’il ne consent à l’admettre, est en tenue civile et ne prendra part à l’étape du jour qu’au volant de sa voiture.

George S. Ils sont partis ! Ils vont d’abord longer la Loire par des pistes cyclables aménagées en parties sur d’anciennes levées, jusqu’à la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire. Ils ne verront ni bergères, ni druidesses, ni bateliers, ni laboureurs ni chanvreurs. Ô tempora, ô mores.

J. Drinkwater. Allons, Aurore, la nostalgie, comme diraient certains IVV plus calembourgeois que d’autres, la nostalgie, Sancerre à rien.

George S. (avec un sourire indulgent) Ces 23 premiers kilomètres vont être vite avalés de toute façon.

Frank R. Ouais, là, ils ont facile, franchement, ils ont facile.

Pause rapide devant la centrale. Thierry surprend tout le monde en récitant un petit poème parodique à la gloire de la technique et de ses servants. La centrale est contournée. La Loire est traversée. Thierry et Christine nous quittent provisoirement pour le reste de la journée.
Il est onze heures quand les IVV arrivent à Saint-Amand-en-Puisaye. Regroupement. Une chute (sans gravité) de Jean-Pierre a ému un moment tout le groupe. Mais ça va. Les accompagnateurs/trices s’affèrent. « Qui veut un bonbon ? du chocolat ? de l’eau ? »
IVV ne serait rien sans eux. Christine, Renée, Jean-Claude, Anne-Marie, on vous adore !

 

Frank R. Les accompagnateurs, c’est des athlètes sans vélo (et sans ballon non plus), qui sont importants pour tous les autres qui ont besoin de ceux-là. Quand je les vois, je me dis que c’est des athlètes de l’altruisme. François m’a expliqué que l’altruisme ça n’avait rien à voir avec les cochonnailles.

George S. J’aime bien votre façon de parler, Frank. Elle me rappelle le patois de nos paysans qui, pour incultes qu’ils soient, pouvaient être forts éloquents à leur manière.
J’aimerais bien que François revienne avec Colette. Elle connaît bien ce pays et en parlerait mieux que je ne le puis.

IVV reprend la route vers Guedelon. Arrivée prévue à midi et visite du site à 14h.En tête, les avions appuient. C’est pas qu’ils n’aiment pas le vélo mais ils préfèrent quand ça dure moins longtemps. Le cul est une obsession pour tous les IVV, mais pas du tout au sens habituel. L’IVV s’intéresse peu au cul des autres. C’est le sien qui l’intéresse le plus, car loin d’être un objet de plaisir, il est en fait le siège même de la douleur, capable d’occulter en quelque sorte tous les agréments d’une belle journée de vélo. Si les culs étaient capables de se syndiquer, les balades à vélo seraient beaucoup plus courtes. Avancer vite diminue la pression sur la selle, atténue les vibrations et diminue le temps d’exposition. Voilà les raisons pour lesquelles les avions préfèrent attendre les copains à côté du vélo plutôt que sur le vélo.

John Drinkwater. Wow ! C’est quoi ça ? On tourne un film ici ?

En pleine forêt, à gauche de la route qui va de Saint Amand à Saint Sauveur, les IVV découvrent au fil des arrivées et sous un soleil estival le décor étonnant d’un faux vrai moyen-Age. Les premières questions fusent : « C’est quoi, ça ? On met les vélos où ? On mange maintenant ou on visite d’abord ?... » Il faudra un certain temps pour que tout le monde arrive, qu’un ‘chef’ dégote un coin tranquille pour y rassembler les vélos, et pour que soient parcourus les quelques 200 m qui séparent l’entrée du site et le coin casse-croûte.
En fait, c’est un repas médiéval qui attend les IVV. Seuls, ceux qui n’ont pas lu le programme concocté par les ‘chefs’ sont surpris.

George S. « Chef » ? Que voilà un curieux vocable militarisant qui s’harmonise bien mal avec l’esprit frondeur et libertaire de ce groupe !

J. Drinkwater. Il me semble qu’il est surtout utilisé ironiquement.

George S.  Il est tantôt irrespectueusement ironique et tantôt scandaleusement révérencieux !  Il y a autant d’hypocrisie joyeuse dans ce ‘chef ‘ que dans ‘in velo veritas’ !

J. Drinkwater. Actuellement, j’ai vu plusieurs personnes étrangères à IVV avec des lueurs inquiètes dans la pupille, rien qu’à entendre ‘chef’ par ici, ‘chef’ par là. 
Ne pourrait-on trouver un autre mot, après tout. Pourquoi pas OAO : œnologue amateur organisateur ? On pourrait prononcer Woao, si on veut, avec éventuellement un air admiratif…
Regardez ! François est de retour.  As-tu trouvé Gabrielle Colette ? Joindra-t-elle à nous ?

François R. Oui da. Elle n’est pas faschée de s’escamper de Paradis qu’elle treuve assez ennuyeux et nous trouvera ici tantost.

Les IVV découvrent qu’un abri de bois avec des tables et des bancs les attend. Ils ont été rejoints par Sylvie et Bernard. Le groupe est maintenant au complet et l’apéritif attend sur les tables. Tout autour, la forêt apporte une fraîcheur agréable, aussitôt mise au crédit des chefs.

Frank R.  Tiens, qu’est-ce qu’ils boivent là ?

François R. Cela, mon amy, c’est hypocras, une boisson appelée aussi parfois ambroisie.
L’hypocras se faisoit dès les Croisades à partir de vin mêlé de miel et d’épices. Les receptes changoient selon les régions.  Ce-disant,  je consens que le vin de mon temps estoit  souvent fort altéré et plus roide à boire que vinaigre !
 
Frank R. Et c’est quoi, cette soupe qu’on leur amène ?

François R. C’est copie de potée à façon médiesvale. Mais par Sainct Balletrou, c’est plus gousteux que soupes que j’ai avallées qui escorchent bien le cul et ardent le boyau.

Pas de sieste aujourd’hui car, le café à peine bu, il est l’heure de retrouver notre guide pour une visitée commentée du site en construction du Château « philippien » de Guédelon.

Frank R. Il est gai, Delon ?
George S. Qui t’a soufflé ce calembour immonde ?
Frank R.  J’le dirai pas, j’suis pas une balance, moi.

Les IVV font connaissance de leur guide, un gars costaud, gouailleur, souriant avec autorité et… « propriétaire de son image ».

François R.  Mais, c’est Maistre Panurge que je vois ici, vestu comme jongleur mais qui  se dit taillandier et dont le mestier est conteur d’histoire!  

Pendant plus d’une heure, le site est présenté, exposé, détaillé, commenté, expliqué, raconté, anecdotifié, blagué, attaqué, défendu. Les IVV suivent, sans vélo, l’exposé et le guide dont les angles de vue se déplacent comme dans un travelling circulaire, ou plutôt en escargot puisqu’il se termine dans la cour centrale inachevée du château, avec une leçon bien rôdée sur les mesures médiévales. Plus aucun IVV n’ignore plus désormais le pouce, la paume, la palme, l’empan, et la coudée.

J. Drinkwater. Empan vient du vieux français « espan » qui a donné l’Allemand « Spanne » (intervalle, marge) et l’anglais « span » (portée ou durée). Notez, en particulier que l’écartement de la main permet de couvrir un octave…

Frank R. Dis, John, tu vas pas faire ton « Wikipedia », okay ?

George S. Hé, mais voilà Colette !

Sidonie-Gabrielle C.  Je vous salue mais je vous préviens, j’ai pincé un rhume. Je suis flâ et je n’ai plus d’os. Et puis de revoir ce pays, mes idées sont en salade dans ma tête.
En voilà une aventure ! Que faites-vous ici à méditer sur les ruines de Carthage ?  Qu’est-ce que cela ? On dirait une caserne tant c’est beau !

George S . Attends ! Je vais te prendre du commencement. Arrivés à Saint-Satur, on a remarqué ce groupe de cyclistes… et patia patia.

Après cet excellent et reposant voyage en arrière dans le temps, il est l’heure de retrouver nos chers vélos. On les déchaine (ce n’est pas si souvent !) et c’est parti ! Non ? Non, car il serait sympa d’attendre Bernard et Sylvie qui n’ont pas eu le temps encore de passer une tenue cycliste ad hoc. Hésitations. On attend ? On y va doucement ? Jean-François et Roger décident d’y aller tranquillement, un peu en éclaireur. Derrière eux, les départs s’enchainent mollement.
50 km de Puysaye verte et bosselée nous attendent. Les accompagnateurs ont fort à faire. Il y a ceux qui sont loin devant et ceux qui sont loin derrière. Tant bien que mal, les IVV avalent Bouhy, se regroupent en partie à Aligny-Cosne et poussent sur Pougny. Quelle poésie dans ces noms ! On apprend que Jean-François et Roger se sont un peu égarés et ont du faire un peu de rab !


Sidonie-Gabrielle C. Un incident folâtre est toujours bienvenu. Nos égarés sont assez dégourdis. A moins d’être détournés par une chatte en malice, ils vont retrouver leur chemin.

Martin-sur Nohain est passé ! Encore un effort, la dégustation est proche ! Enfin, Paillot apparaît, havre de bonheur sous le soleil retrouvé. Les chiens de la propriété sont heureux de (re)trouver des compagnons de jeu. En attendant que tout le monde soit là, selon l’expression consacrée, on peu toujours jouer au lancer de bâton. Une grande table de dégustation a été montée dans la cour de l’exploitation agricole. Emmanuel Charrier qui nous accueille est un jeune vigneron qui propose des bons vins à relativement bon prix. Si les chefs l’ont sélectionné, il doit y avoir une raison. On fait confiance. La suite prouvera qu’on a eu raison.
Nous découvrons les Côteaux du Giennois,  nous reprenons du Pouilly Fumé dont nous apprenons que la signification (Fumé ?) fait toujours l’objet de débats incertains.
Il fait bon au soleil. Mme Charrier mère nous ramène du fromage et des grignotages salés maison. Les mains se tendent. Les pouces et les index (pluriel d’index ?) s’activent. Un couple de homecaristes s’est joint à nous. Les langues cliquètent, les lèvres mobiles et silencieuses travaillent pendant que les mollets se reposent et que les fesses tentent mais vainement de se faire oublier. Les têtes dodelinent, signe que le vin est bon et que les commandes seront nombreuses.
La selle de Véronique a de nouveau décroché. On répare. Puis on repart.

Sidonie-Gabrielle C. Elle me plait cette Véronique. Certes elle a des coins d’ingénuité assez curieux. Tout de même, après des heures d’efforts, elle reste plus fraîche qu’un liseron.

Merci ! Au revoir ! On n’a pas envie de charrier Charrier.  Il a droit à de grands sourires et à tout notre respect.
Reste une quinzaine de kilomètres. C’est de nouveau à l’autre extrémité du corps de déguster. Mais, ça va. Les calories absorbées au Domaine Charrier nous aident à rentrer. Virage à gauche, puis à droite – non, à droite ! – et nous apercevons le pont sur la Loire. L’Hôtel est juste en face. Une impression absurde et fugace de France Libre et de ligne de démarcation se mêle à une envie d’eau minérale.  Garage à vélo. Douche. Vêtements civils. « Il est à quelle heure le dîner ? »

Nous retrouvons le Ship. Eric m’offre une bière. Je déguste et la bière et la camaraderie. Que ça fait du bien !

Nous retrouvons nos tables d’hier soir, mais pas avec les mêmes voisins. Sans qu’aucun chef n’ait passé de consigne, les voisins changent (presque) toujours. Si bien qu’à la fin du séjour, tout le monde a pu bavarder avec tout le monde.

Bon, on a passé cette journée à 100 km et plus. Et demain ?
Allez, bonne nuit.


Sidonie-Gabrielle C.  Quelle journée ! Aparemment, ils ont tout donné et ne peuvent plus rien promettre.

Frank R. Ouais. Aujourd’hui, il y en a qui ont fini à la testostérone !

Sidonie-Gabrielle C.  Je n’ai plus d’épaules pour les lever.

La nuit se passe sans incident majeur, hormis les  ronflements usuels.

 

Acte 3. Et Chappe est belle !

La salle du petit déjeuner s’anime ce vendredi matin. Le buffet est à la place et l’odeur de café la remplit. Dans un coin, une bibliothèque portant l’inscription « Library » intrigue un peu. Après tout, le Ship est mitoyen.
Il y a de l’inquiétude dans l’air : cette étape s’annonce comme la plus bosselée de la balade.

Sidonie-Gabrielle C.  Ils mangent comme autant de petits-loups.

Frank R. S’ils sont fatigués, ils ont qu’à jouer aux échecs. Les vélo, c’est comme les échecs,  sauf qu’il y a pas de dés.

Sidonie-Gabrielle C.  (dont les yeux brasillent de joie) On va voir s’ils tiennent. Et puis, tout au long de l’étape, je pourrais te raconter la chronique scandaleuse de ce pays.

 

Même si l’horaire prévisionnel a été établi sur la base de 15 km/h hors arrêts, ça va pas être simple après les efforts d’hier.
C’est parti. Sancerre est contourné. Première côte, déjà, et pas une petite ! Ca monte. Ca monte encore. Ca monte très dur. Le paysage est superbe mais c’est pas lui qui coupe le souffle. Pied à terre ? Oui ? Non ? On sait être courageux et raisonnable, à IVV.
On se regroupe sur un plateau ensoleillé. La vue est belle. La vie est belle.
On redescend de l’autre côté. Et puis on remonte. Sens-Beaujeu. Je pense à Alain qui n’a, sagement, pas pris le départ ce matin. Sa côte cassée lui évite les côtes cassantes.
Neuilly-en-Sancerre. On traverse le Vernon. C’est moins tragique que la Bérézina et moins ambitieux que le Rubicon, mais quand même. A vélo, franchir une rivière signifie immanquablement qu’on a fini de descendre et qu’il va falloir remonter. Alors on s’accroche, chacun a son rythme, chacun à sa façon. Les avions sont devant. La voiture suiveuse est derrière. Tout va bien.

George S. Ceux-là, ils n’ont pas à se plaindre du bon Dieu. C’est une sotte occupation que d’empêcher les gens de prendre du plaisir ou de les faire rougir de celui qu'ils ont pris.

Sidonie-Gabrielle C.  Très chère baronne !

George S. Certes, le vélo est entre la clémence et la cruauté, la peine qu’on mérite est celle que l’on se donne. Notre vérité n’est pas dans ce que nous avons conquis par force mais là où nous sommes naturellement revenus.

Sidonie-Gabrielle C . Là, comme vous eussiez dit, « je ne perle pas ». Frank non plus d’ailleurs…

Les IVV arrivent à proximité d’une tour hertzienne, point culminant du Cher, avec 434 m.
A un jet de pierre de là, ils visitent la « Cathédrale de Jean Linard ». C’est une sorte de bâtiment à la manière du facteur cheval en plus grand, plus ambitieux, plus coloré et plus « spirituel ». La pause dure peu – la visite n’est pas possible ; après quelques commentaires et quelques vannes où l’admiration se mêle à l’incompréhension narquoise, c’est reparti.

 

Bien sûr, ça monte. On passe La Borne (Ah, passer la Borne !) et déjà beaucoup sentent qu’ils atteignent leur limite.

Frank R.  Le vélo, des fois, il se demande pourquoi qu’il doit encore avancer parce que ça monte.

Ca redescend.
Et puis enfin, Morogues. C’est là qu’est programmée notre dégustation du jour au Domaine Pellet. Nous sommes dans le vignoble de Menetou-Salon. Visite rapide des caves : c’est grand, c’est frais, c’est plein de cuves et c’est prometteur.

George S.  Et maintenant, une petite pointe de vin, pour éclaircir les idées.

Sidonie-Gabrielle C.  Les passions sobres, disait Diderot, font les hommes communs
.
J. Drinkwater. Le cycliste, mi-homme, mi-machine, est une chimère, n’est-il pas ?

La dégustation révèle de bonnes surprises. C’est bon. C’est varié. Tout le monde (ou presque) aura noté la formule de M. Pellet relative à l’odre des vins pour la dégustation : « Après les blancs, tout fout le camp ; après les rouge, tout bouge. » On déguste donc d’abord les rouges, puis les blancs. François et Gérard enregistrent les commandes. Véronique s’en tient à sa méthode : deux bouteilles de l’un, deux bouteilles de l’autre, trois bouteilles de celui-là, deux bouteilles de celui-ci.

Ca repart et bientôt Ca remonte. Humbligny. Tiens ! c’est plutôt plat ! Et ben non, ça remonte et ça redescend. L’arrivée à Neuvy-Deux-Clochers est proche. Neuvy (pourquoi deux clochers ? Mystère) est comme une oasis. Le restaurant « La Vouivre » attend de pied ferme sa vingtaine de clients colorés et déshydratés. Enfin, une chaise !

 

Très sympa, ce restaurant. Le chef local n’est pas maladroit. Tout se laisse déguster. Salade au crottin de Chavignol, joue de bœuf accompagnée de sa galette de pommes de terre, fromage, tarte aux pommes sur lit de pistache & noisette… Tout cela accompagné d’un Pouilly fumé 2012 et/ou de Sancerre rouge. Somptueux !
La fatigue s’abat sur certains d’entre nous. Elle ne choisit pas, la fatigue. Elle ne fait pas détail. On a des preuves.
On se secoue et on repart. « la Vouivre », c’est un roman, ça, non ? Oui, mais de qui ? Balzac ? Marcel Aymé ? On s’interroge.

Sidonie-Gabrielle C.  « La Vouivre », c’est un roman de Marcel Aymé. J’ai préféré « la jument verte ».

Frank R. Toi aussi, tu te la joues Wikipedia ?

 

 

Ca descend. C’est plat. Ca remonte. La côte de Reigny est terrible. Mais, bon, on passe quand même. Menetou-Ratel. Petite pause. Une noria de vieilles Vespas et de Lambrettas passe en pétaradant et en lâchant des odeurs d’huile deux-temps grillée. Ils sont nombreux et colorés eux aussi et comme nous, ils puent – mais l’odeur est différente. Surtout sous les aisselles.
C’est reparti. Ca descend sur Sury-en-Vaux. Jean-François a amicalement proposé une légère modif du parcours pour que nous puissions voir sa maison.

Et quelle maison ! Un coin d’enfance, un morceau de la France paysanne maintenant disparue, et une bouteille de Pouilly-Fumé de la meilleure facture. Jean-François réitère le miracle de Cana. Cette bouteille contient plus de vingt verres et la communion à nouveau est parfaite.
Je pourrais évoquer ici les touchantes frasques d’une adolescence Sancerroise  que Jean-François esquisse avec une pudeur feinte mais ceci n’est qu’un compte-rendu, pas une feuille à scandales. Nous reprenons nos montures pour une autre maison familiale, celle de Gérard.
Le soleil est encore là malgré la météo, ce matin pessimiste. Tout (ou presque) est prêt pour une dégustation à l’aveugle, chose inhabituelle chez les IVV. Tout le monde (ou presque) trouve une place assise à la terrasse ouverte sur un jardin fleuri et ombré d’arbres fruitiers.

Quatre blancs et quatre rouges sont ouverts et gaiement appréciés et notés. Ce faisant et bien que certains, ayant gardé de mauvaises habitudes de l’école primaire, cachent leur note pour que les copains copient pas, il est facile de s’apercevoir que décidément les goûts varient beaucoup d’une personne à l’autre. On recrache un peu, comme d’habitude. Mais là, ce sont les pots de fleurs qui en profitent - sans d’ailleurs protester.

Nous faisons connaissance de la maman de Gérard, apparemment amusée et émue par cette animation. Il faut bien que jeunesse se passe.

Le retour vers l’Hôtel de la Loire est montueux, dernier rappel de la principale caractéristique de cette journée qui fut un peu notre étape de montagne : Thierry a totalisé, je crois, plus de 800 mètres cumulés de dénivelée. Bref, quand le cheval sent l’écurie, il ne sent plus la fatigue. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire les vélos sont rangés au sec. Direction la douche mais, m…, que l’escalier est raide !

Tiens, surprise ! Ce soir on abandonne le « Ship » pour se rendre, regroupés dans les voitures les plus spacieuses, au restaurant « Le chat », place du chat, à Villechaud.
Derrière une enseigne sans façon qui évoque plutôt un restaurant routier se dissimule une très belle et très vaste salle, décorée comme aucun routier ne le fera jamais, avec des chats partout : en photos, en peinture, sous forme d’objets décoratifs. C’est tout à fait au poil !
Le service est long – une seule serveuse pour plus de vingt clients, évidemment ! – mais c’est bon, très bon. La table est disposée en U. Les chefs occupent les places d’honneur. Pas de problème, c’est bien mérité. Au menu : guacamole d’avocats, crevettes au curry, maïs et coriandre.  Samoussas de canard, nouilles et légumes sautés, kumquat’s et sésame. Nage de fraises à la vanille et verveine, croûtons de gateau choco. Tout cela accompagné bien sûr de vins du coins – mais l’étape ayant été éprouvante, l’eau (plate ou pétillante) aura un succès avéré. A l’unanimité ( non, pas « ou presque ») le choix des restaurants est plébiscité. Ce soir François et Gérard dormiront comme un Vladimir Poutine, gonflé de fierté et de confiance. (Je dis ça pour blaguer. Poutine n’accepterait pas une telle comparaison.
Et réciproquement)

Retour à l’Hôtel de la Loire. Extinction des feux. Quelques ronflements désagréables. Et puis, tout le monde (ou presque ?) dort.

 

Acte 4. Le pays fort

Samedi 31 mai. Une étape de plus de 80 kms nous attend. Le petit déjeuner de ce matin ressemble à celui d’hier sauf qu’on connaît un peu la manip maintenant et qu’on peut continuer à dormir encore un chouïa tout en se servant avec toute la sérénité des vieux habitués. Aujourd’hui la météo semble plus favorable – prévoir un tube de crème solaire.
Nous partons en direction de la Sologne.

Frank R. C’est plat, la Sologne ?

George S. La Sologne est plate en effet, plate, giboyeuse, poissonneuse, forestière et vaste. Les IVV n’en verront que la limite orientale. Mais peut-être reviendront-ils.

Frank R. Ouais ! Quand c’est plat, c’est plus facile d’avancer de l’avant.

Pas de côtes (ou presque) ! Ca nous change. La route est agréable. Nous avons bientôt échangé un horizon de ceps alignés au cordeau pour des colzas, des blés, des prairies et des bosquets.

George S. Humbles paysages de nos campagnes, vous êtes encore la simplicité et la beauté ! Je vous ai tant chanté et vous m’avez enchantée.

Sidonie-Gabrielle C.  Joli chœur !

George S. La providence a mis le remède à côté du mal. Parlons un peu de la chronique scandaleuse de ce pays. 
Elles s’éloignent.

  Vailly-sur-Sauldre est bientôt atteint. Le regroupement prévu dans cette commune nous permet de découvrir une « grange-forte », bâtiment pyramidal traditionnel dont la charpente imposante et plus ou moins carrée repose sur un mur bas. Une gorgée d’eau. Un bonbon à la menthe ou bien un bout de chocolat et c’est reparti jusqu’au très verdoyant, très forestier et très lacustre château de la Verrerie (à Oizon pour ceux qui voudraient consulter Internet).

Pas de visite mais on a une idée de la propriété depuis le parc dans lequel on s’est posé un instant et regroupé à l’ombre de grands arbres bordant de larges allées.
Bon, c’est pas tout ça, quand est-ce qu’on mange ?
Encore 6 km et on arrive à Villegenon, à « La Récréation Gourmande », une adresse qui vaut un détour.
A la terrasse, magie du soleil retrouvé, les IVV les plus rapides sont assis (parfois, un peu écroulés d’ailleurs) devant une bière blanche fraîche que chacun envie à peine arrivé. Qu’elle est bonne, bon sang, qu’elle est bonne.
On entre. Imaginez un restaurant dans une salle d’école communale dont on aurait reproduit le décor avec un poêle central, un tableau noir avec la date du jour, des cartes au mur, un plancher de bois, un bureau sur une estrade et quelques autres petites choses qui nous parlent de notre enfance. Cette salle sent encore la craie et l’encre à moins que cela ne soit qu’une illusion.

Sidonie-Gabrielle C. C’est un peu le décor de Claudine à l’école. Avez-vous lu cela, Frank ?

Frank R. Moi, l’école c’est un terrain que j’aime pas d’y revenir. J’ai qu’ça qu’à dire.

George S. Où donc est passé François ?

Frank R. Il vient de découvrir Internet et il est parti en causer avec un certain Erasme qu’il m’a dit. Il va revenir, qu’il a dit.

 

Le menu confirme que nos « chefs » ont réalisé une belle performance dans le choix de nos coins pique-nique cette année, mais cette fois, plutôt que de rappeler chaque plat (je m’en rappelle plus, sauf les asperges pochées avec leur oeuf frit !), je vais copier ici l’évaluation savoureuse des inspecteurs du guide Michelin :

« Dans cette ancienne école, où trône un vieux poêle surmonté d'un bonnet d'âne, les mauvais élèves ne sont pas mis au pain sec et à l'eau ! Quel que soit le niveau de la classe, tout le monde se régale d'une cuisine de produits généreuse et goûteuse. Une agréable Récréation Gourmande... » J’adore la prose touristique, pas vous ?

Après le café, une sieste exceptionnelle d’une demi-heure est octroyée (et aussitôt adoptée) en raison d’un allègement du programme de fin de journée. Bien sûr les paparazzi s’en sont donné à cœur-joie.

Le réveil est sonné. En route pour la dernière dégustation de cette balade sancerroise. La route est… roulable.  jusqu’à la longue montée vers Menetou-Ratel et puis nous retrouvons le paysage du vignoble qui entoure la butte ou Sancerre a posé ses murs. 20 km pour digérer avant de plonger littéralement dans Chavignol en fête – que cette descente était raide ! C’est la fête à Chavignol et la traversée du village est interdite aux voitures et aux vélos mais ce n’est pas grave car nous sommes attendus et bientôt pris en main par Henri Bourgeois, l’un des vignerons les plus connus de la région de Sancerre. Pour commencer, nous allons visiter. D’abord les vignes – mais vraiment que les pentes sont raides ! Nous apprenons pêle-mêle l’histoire des Vignes à Sancerre, la difficulté de cultiver ces pentes, qu’il n’y a plus ni chèvres ni chevriers à Chavignol, qu’il est raisonnable d’éviter les produits chimiques autant que possible, que la Sauvignon est bien adapté à ce terroir et bien d’autres choses encore. Nous enchaînons avec la visite des chais. Les investissements réalisés ici sont impressionnants, au point de donner parfois l’impression de voir une industrie plus qu’une viticulture. Faut-il regretter les vignes de papa, les caves sombres et humides, les produits chimiques moins nombreux mais les dosages plus sommaires ?

J. Drinkwater. This is the question.

Tout de même, M. Bourgeois, votre exploitation nous impressionne. 200 salariés, ce n’est pas rien et vos investissements en Nouvelle-Zélande poussent plus loin encore notre réflexion silencieuse.

Nous pénétrons en chaussettes dans une grande salle de dégustation, pas à cause de son  côté religieux, mais à cause de nos fichues chaussures de vélo dont le plancher neuf n’apprécie pas trop les cale-pieds contondants et bruyants.

Le volume de nos commandes montrera que, industriel ou pas, le Sancerre mérite le détour.

Pour l’instant, la dégustation est partie. Tout le monde est installé autour d’une immense table. Des verres sont distribués. Des assiettes de fromage circulent. Que le spectacle commence.

Ce fut une belle dégustation. Vous vous souviendrez de ces Baronnes, de ces Bourgeoises, de ce Petit Bourgeois, du Prieuré des Oblats, de terre de Fumée et de Solissime, pas vrai ?
Mais le temps passe vite et il faut repartir. Les 7 km qui nous séparent encore de l’Hôte de Loire sont avalés en file indienne. Une crevaison. Quelques retours en voiture. Le tour est joué.

Comme la veille, les vélos retrouvent automatiquement le chemin de leur hangar et les IVV escaladent les quelques marches qui les séparent encore de la douche.

On mange où ce soir ? Les économistes ont leur PNB. Les IVV ont leur PMB : pédaler, manger et boire.

Le restaurant  l’Auberge de Saint-Thibault n’est pas très loin. On y va à pied, en voisins. C’est une bonne table, paraît-il, recommandée par J.L. Petitrenaud.

C’est en effet une bonne table, c’est aussi une grande table. Toute la salle est pour nous – mais quand même, nous nous tenons bien, comme d’habitude.

Au menu: Suchis de tourteaux aux agrumes, ciabatta toastée

Dos de merlu rôti sur la peau et sa poêlée de fèves au lard de colonnatta

Pas mal !  C’était sympa. Je ne sais plus de quoi on a parlé mais la conversation roulait toute seule, il n’y avait plus besoin de pousser sur les pédales.

Ce qui est particulièrement sympa avec IVV, c’est bien sûr qu’il est possible d’avoir des prix puisqu’on est un groupe tout de même assez conséquent, mais aussi que contrairement à d’habitude, on peut partir sans payer. Ca donne une impression particulièrement jouissive, pas vrai ?
Mais bon,  de toute façon, la morale sera sauve à la fin.

Bonne nuit, les petits !

Gabrielle-Sidonie C. Vous disiez, chère George ?

 

 

Acte 5. Dernier tour de piste

La dernière étape – la plus courte et souvent la meilleure – a été modifiée à la dernière minute. Une course de côtes inattendue coupait notre itinéraire.
Que faire ? Une solution avait pour elle le mérite d’une certaine évidence après tant de montées et de descentes. Pourquoi pas profiter de la piste cyclable aménagée le long de la Loire ? Aussitôt que proposée, la suggestion de François est plébiscitée.
Nous partons donc en direction du Nord-Est le long de cette Loire large et tranquille. Alain nous accompagne malgré sa côte. Pas vraiment une bonne idée : il y a des passages où le revêtement est médiocre et ça secoue, ça vibre, ça saute, ça tremble.  Zut alors !
Nous progressons pendant une heure et puis nous faisons demi-tour.  Une ferme – qui est aussi semble-t-il une ferme-auberge attire l’attention avec ses animaux, et notamment une paire de bruyants paons lents et chatoyants.

J. Drinkwater. Hard to pronounce, isn’t it ?

Pas de voitures, pas de camions, l’asphalte est à nous et le soleil est encore de la partie.
Fin de l’exercice. Nous rentrons à l’hôtel. Douche. Bagages. Ne rien oublier – pas évident !
Les voitures chargées pour le retour – c’est le week-end de l’Ascension, comme d’habitude, on s’attend à un trafic dense – les IVV se regroupent dans quelques voitures pour monter à Sancerre (enfin !), visiter la ville haute et déjeuner.
Sancerre, une vieille ville fortifiée, enserrée dans ses murailles, ville huguenote assiégée par Louis XIII, bombardée et finalement prise ne laisse guère d’indices à l’imagination pour sentir son histoire. Pas grave, c’est pour l’instant, le présent qui compte. Nous marchons dans les vieilles rues, le nez en l’air, l’œil aux aguets. Il fait beau, il fait chaud : que demander de plus ?

Frank R. Ouais quand même, La température est sénégalienne. Et puis moi, la jographie, vous savez…

Le plus, on va l’avoir très bientôt en entrant dans le restaurant « La Tour » ; nous traversons un rez-de-chaussée sombre et frais pour nous engouffrer dans un vieil escalier à vis qui nous conduit à l’étage. Là, la vue est somptueuse. Nous disposons de tout l’étage. Trois vastes tables rondes couvertes de nappes blanches et soigneusement dressées attendent sagement. Les premiers arrivés prennent place. Les retardataires rejoignent, les apéritifs sont servis.
Le menu (que chacun  peut voir en version originale sur l’excellent film de Corinne) affiche (pour ceux qui l’ont lu – pour les autres, c’est à chaque plat la surprise…)
Mise en bouche : Sorbet vinaigrette, poireaux poêlés (c’est drôle, non ?), émulsion coco, gingembre, citronnelle.
Entrée : Blettes façon risotto, olives et parmesan
Plat : Dos de cabillaud, riz noir vénéré, courges, coulis carottes passion.
Dessert : Panacotta au thé Earl Grey, avocat, agrumes.

Tout cela sera dégusté comme il se doit, avec élégance  et un minimum de taches sur la nappe.
C’est maintenant l’heure du discours. Jean-Claude est brillant : tour à tour amical, poète, critique bienveillant de l’organisation, fin connaisseur de la charge d’accompagnateur, n’oubliant personne sinon lui-même, il souligne finement les traits qui font la valeur de cette édition sancerroise d’IVV.

Frank R ; Là, c’était la cerise sur le pompon !

Gabrielle-Sidonie C. Les IVV, ils ont bien cordé au fond. L’ambiance, l’urbanité de ce groupe me médusent ! 

 

Les petits cadeaux traditionnels aux accompagnateurs/trices sont distribués sous les applaudissements reconnaissants.
Selon la coutume, C'est Jean-Claude, précédent organisateur qui félicité chaudement, à raison, Gérard et François, à leur tour couvert de cadeaux en liquide. 
Plusieurs hypothèses sont suggérées pour l’Ascension 2015. Rien n’est arrêté encore.
Le moment des adieux est arrivé. Roger invite tout le monde (mais attention, tout le monde, c’est pas n’importe qui !) à Québec. Les poignées de main sont longues Certains restent pour visiter la tour, d’autres redescendent. C’est toujours pareil, ces balades viticultiques finissent par des (chansons) bouchons.

 

EPILOGUE

J. Drinkwater. Bon et si on rentrait nous aussi.

Gabrielle-Sidonie C : On a toute l’éternité. Mais j’ai manqué le début. Tu pourrais me reprendre ça du commencement ?
Frank est reparti avec François, de toute façon.  La roue tourne.
Reste encore un peu, George.

J. Drinkwater. Sur ! Chopine attendra bien un petit morceau.

 

 

Jean-Louis, le 25 juin 2014